Personne agée agitée
Prise en charge aux urgences de la personne agée agitée
Thèmes et objectifs devant une personne agée agitée
Ces recommandations concernent les personnes âgées, avec ou sans démence connue sousjacente, qui présentent une confusion aiguë avec agitation (hors confusion postopératoire).
Les termes « confusion aiguë » ou « syndrome confusionnel aigu » actuellement utilisés remplacent l’ancienne terminologie « confusion mentale » et sont l’équivalent du terme « delirium » utilisé dans la littérature internationale (DSMIV-TR et CIM-10).
L’objectif est :
- de définir des bonnes pratiques de prise en charge diagnostique, thérapeutique et de suivi ;
- de promouvoir les mesures de prise en charge non médicamenteuse ;
- d’éviter toute prescription systématique ou prolongée d’un traitement médicamenteux symptomatique
Messages clés
La confusion aiguë est un diagnostic clinique parfois difficile chez une personne âgée.
Une confusion aiguë doit être systématiquement évoquée en cas de changement rapide du comportement habituel ou d’inversion récente du rythme nycthéméral.
L’existence de troubles cognitifs ne permet pas de faire la distinction entre confusion et démence. En revanche, un début brutal, des troubles de la vigilance ou de l’attention et la fluctuation rapide des symptômes dans le temps orientent vers un diagnostic de confusion.
La confusion aiguë est une urgence médicale qui nécessite un diagnostic étiologique rapide et une prise en charge médicale.
La confusion aiguë est souvent d’origine multifactorielle : il faut penser systématiquement à un facteur déclenchant médicamenteux (changement de traitement, de posologie, automédication, etc.)
La prise en charge doit débuter par des mesures non médicamenteuses.
Le traitement pharmacologique symptomatique ne doit pas être systématique. Il peut être nécessaire si les mesures non médicamenteuses sont insuffisantes en cas de symptômes :
- comportementaux sévères (agitation importante) ou émotionnels (anxiété sévère), provoquant chez le patient une souffrance significative ;
- mettant en danger le patient ou autrui ;
- empêchant des traitements ou des examens indispensables à la prise en charge.
Le traitement médicamenteux doit être prescrit sur une durée courte et être régulièrement réévalué.
Approche diagnostique d’une personne agée agitée
Principaux symptômes à rechercher
En cas de changement rapide du comportement habituel ou d’inversion récente du rythme nycthéméral (veille-sommeil) avec troubles :
- de la conscience de soi et de son environnement
- de l’attention
- cognitifs
- de la vigilance
- psychiatriques
Caractéristiques des symptômes
- début brutal ou rapidement progressif
- fluctuation des signes sur 24 heures avec recrudescence vespérale
Enquête étiologique
La confusion est souvent multifactorielle.
Penser systématiquement aux médicaments :
- arrêter les médicaments pouvant être responsables d’une confusion et/ou ceux non indispensables
- adapter les modalités de l’arrêt à la classe thérapeutique
Principaux facteurs prédisposants
- Démence avérée ou troubles cognitifs chroniques sous-jacents
- Immobilisation, aggravée par une contention physique
- Déficit sensoriel (visuel ou auditif)
- Existence de comorbidités multiples
- Dénutrition
- Polymédication
- Antécédents de confusion, notamment postopératoire
- Troubles de l’humeur en particulier les états dépressifs
Principaux facteurs déclenchants
- Infectieux (infection urinaire, pulmonaire, etc.)
- Médicamenteux (dont le sevrage en benzodiazépine)
- Cardiovasculaires (par exemple, syndrome coronarien)
- Neurologiques (accident vasculaire cérébral, hématome sous-dural, épilepsie, etc.)
- Métaboliques et endocriniennes (déshydratation, hypoxie, etc.)
- Psychiatriques (dépression, stress, deuil, etc.)
- Toxiques (alcool, monoxyde de carbone, etc.)
- Généraux (chirurgie, anesthésie générale, subocclusion, fièvre, contention, privation sensorielle, etc.)
Bilan d’une personne agée agitée
La confusion aiguë est une situation d’urgence médicale. Elle nécessite un diagnostic étiologique rapide et une prise en charge médicale.
Indication de l’hospitalisation
En urgence si :
- État clinique menaçant le pronostic vital ou fonctionnel,
- Dangerosité du patient pour lui-même ou son entourage,
- Difficulté ou impossibilité à réaliser en ambulatoire les examens complémentaires nécessaires,
- Surveillance médicalisée pluriquotidienne nécessaire suite à l’arrêt d’un traitement potentiellement responsable de confusion
Secondairement si :
- les premières mesures diagnostiques et thérapeutiques mises en œuvre sur le lieu de vie (EHPAD ou domicile) se sont avérées inefficaces,
- le patient ne s’hydrate et/ou ne s’alimente plus suffisamment,
- l’entourage professionnel et/ou familial ne permet plus de garantir la qualité des soins
Enquête étiologique en urgence
Examen clinique comprenant en particulier :
- une évaluation des capacités d’orientation, d’attention et de mémorisation (MMSE de référence dès que l’état du patient le permet),
- la recherche d’un globe vésical, d’un fécalome, d’une cause de douleur
Examens paracliniques de première intention :
- Ionogramme sanguin, urée, protides totaux, créatininémie avec calcul de la clairance de la créatinine, calcémie, glycémie capillaire,
- Numération Formule sanguine, CRP,
- Saturation 02,
- Bandelette urinaire (leucocytes, nitrites),
- ECG
Indications de la tomodensitométrie cérébrale d’une personne agée agitée
La tomodensitométrie (TDM) cérébrale ne doit pas être pratiquée de façon systématique. Elle est recommandée en cas de :
- signes de localisation neurologique,
- suspicion d’hémorragie méningée,
- traumatisme crânien même mineur
Si l’ensemble du bilan de première intention est négatif
- une TDM cérébrale peut être indiquée en seconde intention, afin de rechercher un accident vasculaire cérébral, même en l’absence de déficit
moteur, ou un hématome sous-dural (si traitement par anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire), - l’électroencéphalogramme est recommandé pour rechercher une comitialité (état de mal épileptique non convulsif, crise partielle complexe),
- Un examen du LCR en cas de signes d’appel (fièvre sans cause infectieuse rapidement mise en évidence et/ou associée à des signes méningés)
Traitement symptomatique non pharmacologique
En premier lieu, traitement des facteurs précipitants ou déclenchants
Débuter par des mesures non médicamenteuses à compléter par un traitement pharmacologique si ces mesures sont insuffisantes.
Mesures non médicamenteuses
Favoriser l’apaisement :
- Accueil dans un lieu approprié et adapté pour éviter le risque de fugue
- Attitude du personnel soignant favorisant l’apaisement
- Éviter l’obscurité totale durant la nuit
- Ne pas utiliser une contention physique en première intention
Préserver la communication :
- Prêter attention aux messages non verbaux (mimiques, gestes…)
- Maintenir le plus possible les appareils auditifs et visuels
Éviter l’isolement :
- Ne pas retirer les lunettes ni les appareils auditifs
- Ne pas systématiquement maintenir le patient alité et si possible favoriser la mobilisation physique
Plus spécifiquement aux urgences :
- Favoriser la présence de la famille et/ou de l’entourage proche
- Évaluer le bénéfice-risque de tous les actes invasifs
- Préférer la pose d’un cathéter veineux obturé à une perfusion « garde-veine »
- Si suspicion d’une rétention urinaire : confirmer si possible le diagnostic au lit du patient d’un globe vésical à l’aide d’un échographe vésical portable
Place de la contention physique d’une personne agée agitée
La contention physique doit rester exceptionnelle et se limiter :
- aux situations d’urgence médicale après avoir tenté toutes les solutions alternatives
- afin de permettre les investigations et les traitements nécessaires et
- tant que le patient est dangereux pour lui-même ou pour autrui
Modalités du traitement symptomatique médicamenteux
Aucun médicament n’a obtenu l’autorisation de mise sur le marché pour l’indication « confusion aiguë de la personne âgée ».
Indications
Mesures non médicamenteuses insuffisantes si symptômes
- comportementaux sévères (agitation importante) ou émotionnels (anxiété sévère), provoquant une souffrance significative
- mettant en danger le patient ou autrui
- empêchant des traitements ou des examens indispensables à la prise en charge
Choix de la classe thérapeutique
- En cas d’agitation sévère avec anxiété prédominante : benzodiazépine à pic d’action rapide et à demi-vie courte Oxazepam SERESTA® cp 10 mg
- En cas d’agitation sévère associée à des troubles productifs (hallucinations, délire) : neuroleptique adapté au profil du patient
Stratégie du traitement médicamenteux
Le traitement médicamenteux n’est destiné qu’à traiter ponctuellement les symptômes gênants (anxiété majeure ou agitation sévère) pour le patient et son entourage
- privilégier une monothérapie
- durée la plus courte possible (24 à 48 heures maximum)
- dose plus faible que chez l’adulte
- évaluer l’effet dès la 1re prise et avant de renouveler la prescription
- réévaluer l’indication pluriquotidiennement
- arrêter dès le contrôle des symptômes gênants
- préférer les formes buvables et orodispersibles
Traitement en fonction de l’étiologie et du tableau clinique
Cause somatique
Traiter la confusion :
- si composante productive : haloperidol HALDOL® gouttes (2mg/ml) = 5 gouttes (soit 0,5mg)
- si composante anxieuse : oxazepam SERESTA®comprimé 10mg
→ à renouveler 30 à 45 mins plus tard si besoin
Troubles psychiatriques de novo
Avis psychiatrique + traitement médicamenteux, selon la présentation dominante
- anxiété : oxazepam SERESTA®comprimé 10mg
- délire, hallucination : loxapine LOXAPAC® 10 à 25mg privilégier la voie orale loxapine gouttes (25mg/ml) = 10 à 25 gouttes (soit 10 à 25mg) et si voie orale impossible Loxapine injectable (im 50mg/2ml) = 0,5 à 1ml (soit 12,5 à 25mg)
→ réévaluer après 30 à 45 mins
→ à renouveler si besoin
Troubles psychocomportementaux liés à la démence
Traitement médicamenteux, selon la présentation dominante
- anxiété : oxazepam SERESTA®comprimé 10mg
- agitation psychomotrice sans délire : loxapine LOXAPAC® 10 à 25mg privilégier la voie orale loxapine gouttes (25mg/ml) = 10 à 25 gouttes (soit 10 à 25mg) et si voie orale impossible Loxapine injectable (im 50mg/2ml) = 0,5 à 1ml (soit 12,5 à 25mg)
- délire : risperidone RISPERDAL®comprimé orodispersible 1mg
Principaux médicaments pouvant entraîner une confusion
Anticholinergiques
Classe thérapeutique |
DCI (exemples) |
Spécialités |
|
Neurologie |
Antiparkinsoniens anticholinergiques |
trihexyphénidyle tropatépine bipéridène |
Artane® Lepticur® Akineton® |
Psychiatrie |
Antidépresseurs imipraminiques |
|
|
Neuroleptiques phénothiaziniques |
|
|
|
Neuroleptique atypique |
clozapine |
Leponex® |
|
Hypnotiques (neuroleptique) |
acépromazine + acéprométazine méprobamate + acéprométazine |
Noctran® Mépronizine® |
|
Gastro- entérologie |
Antiémétiques (neuroleptique) |
métoclopramide métopimazine |
Primpéran® Vogalène® |
Urologie |
Antispasmodiques dans l’instabilité vésicale |
oxybutynine, trospium, toltérodine, solifénacine, |
Ditropan® Céris® Détrusitol® Vésicare® |
Immuno- allergologie |
Antihistaminiques phénothiaziniques |
prométhazine alimémazine |
Phénergan® Théralène® |
Antihistaminiques H1 |
hydroxyzine |
Atarax® Polaramine® Périactine® |
|
Pneumologie |
Antitussifs antihistaminiques H1 |
pimétixène oxomémazine |
Calmixène® Toplexil® |
Bronchodilatateurs anticholinergiques |
ipratropium tiotropium |
Atrovent® Spiriva® |
|
Antimigraineux |
Neuroleptique |
flunarizine |
Sibélium® |
Cardiologie |
Troubles du rythme |
disopyramide |
Rythmodan® |
Divers |
Antispasmodiques anticholinergiques |
atropine tiémonium scopolamine |
Viscéralgine® |
Non cholinergiques
Classe thérapeutique ou DCI |
|
Psychiatrie |
benzodiazépines et apparentés |
antidépresseurs (IRSS, IRSNa, etc.) |
|
Neurologie |
antiparkinsoniens dopaminergiques |
antiépileptiques |
|
Gastro-entérologie (anti-ulcéreux) |
inhibiteurs de la pompe à protons |
Infectiologie (antibiotiques) |
fluoroquinolones |
Cardiologie |
digoxine bêtabloquant amiodarone |
Antalgie |
morphine, codéine dextropropoxyphène tramadol |
Divers |
corticoïdes à fortes doses collyres mydriatiques |
Réf :
–HAS